Poème souffrant de
délabrement
Une voix dit : « toi, sois comme
toi,
toujours. »
« Tu es comme ceci, approche donc comme
ceci. Tu es comme cela,
mais approche donc comme cela, viens, viens
vers nous, tiens-toi
sous nos yeux. »
Dans une
obscurité faite de lacunes et d'interstices,
pourtant il
existait.
« Tes questions, vois-tu, sont
tellement vides qu'elles
ne peuvent provenir de personne, ne sont
posées par
personne. »
La nuit où l'être qui vient vers nous,
n'approche ni par ce chemin, ni par cet autre chemin,
dont le cœur n'est ni fervent, ni
indifférent,
ni plein de colère, ni pur, ni habité, ni
vide : la
nuit, creusée par la mâchoire sèche de notre
invocation.
Empoigne-la.
Etat des lieux
Aimer serait, comment dire, le tribunal de l'âme, immense
épreuve (je
ne parle pas de questions techniques, mais
le cœur avant tout a sa part dans l'énorme échec que constitue, sous cet
aspect, l'existence.
Enorme, certes, boursouflé à la manière d'un
membre atteint de gangrène et dont je constate, à la fin, qu'il a les
dimensions de l'âme entière :
noire, suintante)
dont la difficulté et la complexité excèdent
mes forces.
Naguère je m'y attelais avec patience.
Chaque jour naissait avec, telle une femme
dont la poche des eaux est près de crever, une lourde charge d'espérances pour
les heures qui, immanquablement, viendraient.
Rien ne venait à ma rencontre ; ou bien
je ne savais aller à la rencontre de rien : choisir entre l'une ou l'autre
de ces interprétations, quelle importance aujourd'hui ?
Tourne-toi donc vers rien.
Ou bien, plutôt, tourne-toi vers ce qui, à
l'intérieur de toi, s'obstine à remonter des champs de modestes décombres (ah, la question du bien gésir : celle-là aussi, est-elle pas maintenant bien
réglée !) fragments d'un discours réduit à l'état de
tranchantes arêtes.
Ballade du retour malheureux
Badine tournée d'un côté : débris,
fragments et ruines, donc c'est bien.
Pivote sur l'axe de ton assiette, badine
calée de l'autre côté, et puis ajuste donc ton monocle : paysage désolé,
étendue de sable analogue à un inextinguible désert, et donc morbleu c'est bien
vraiment, tout ça. C'est extrêmement
satisfaisant.
Cependant
la seule surrection de ton crâne au-dessus
de ces champs de morne extinction, suffit à interrompre la perfection de ladite
morne extinction.
Rumeur montant, de tout cela, rumeur sourde,
incessante et, malgré tout,
encore scandée.
Faisant retour : oui, en effet c'est
une malédiction.
Dans le monde
Question d'hier, et aussi d'avant-hier,
concernant les parois de ladite étroitissime cellule : depuis quand
existent-elles ?
La mémoire des constructeurs en est perdue.
« Ni de l'avant ni de l'après, ni de l'en deçà ni de l'au-delà, ni du
dehors ni du dedans » ânonnent leurs bouches déchaussées.
L'homme qui se débat, rampant d'un côté et
d'autre, pourvu d'un désir inquiet et ardent, se heurtant et se blessant pour
rien,
c'est moi.
Perplexe, informulé.
Fourbus davantage qu'inspirés par la
patience ni l'intelligence, un jour (ce jour-là) j'arrêterai de moudre
au roc mes os. Jour analogue au baptême d'un frêle esquif, bercé par la
doucement clapotante, inepte révélation de l'absente origine : « Les
parois, les mains qui les édifièrent, n'appartiennent à personne: existantes, sans origine
non plus que nécessité.
L'obscurité qui emplit l'intérieur, n'est la
substance ni le véhicule d'aucun dieu. »
En ce jour d'anodine victoire, avant de
parler,
toussote une fois ou même deux, te préparant
de la sorte à entendre la vibration d'une voix enfin éclaircie.
Poemas en versión original que aparecieron en el número tres de Acantilados de papel, dedicado a París: Siempre nos quedará París. Datos del autor, biografía, fotografía, pinchando el enlace.
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